LOI TRAVAIL, ce qui a changé

Suite à la parution du décret n°2016-1908 relatif à la « modernisation de la médecine du travail »

Les 7 points clés

Des adaptations nécessaires aux besoins des salariés et aux ressources des SSTI.

Les saisonniers

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LES 7 POINTS À RETENIR

 

1- LE MÉDECIN DU TRAVAIL DEMEURE AU CENTRE DU DISPOSITIF AVEC UN RÔLE RENFORCÉ.

Il sera accessible à tout moment à la demande du salarié ou de l’employeur. Il disposera par ailleurs d’une liberté de décision accrue afin d’adapter le suivi individuel de l’état de santé des salariés à leurs besoins. Il peut lui-même organiser une visite médicale pour tout travailleur le nécessitant. Ses missions sont confirmées. Parmi celles- ci, l’aide à l’évaluation des risques professionnels est désormais clairement inscrite.

L’appréciation des risques requiert l’expertise complémentaire des membres de l’équipe pluridisciplinaire et la synthèse du médecin du travail qui peut la rapprocher de l’état de santé des salariés.

2 – TOUS LES SALARIÉS SONT PRIS EN CHARGE PAR UN PROFESSIONNEL DE SANTÉ DÈS L’EMBAUCHE.

La visite médicale d’embauche avec avis d’aptitude est destinée aux personnes dont la situation personnelle ou le poste présente des risques particuliers.  Elle a lieu avant l’affectation au poste. Dans les autres cas une visite d’information et de prévention  peut être réalisée par le médecin du travail, le collaborateur médecin1, l’interne en médecine du travail ou l’infirmier. Ces différents professionnels de la santé, qui, à la fin de la visite, délivreront une attestation, interviendront sous l’autorité du médecin du travail. Cette visite devra être réalisée dans un délai qui n’excède pas trois mois à compter de la prise effective du poste de travail. Au moindre doute, le médecin du travail prendra la main.

[1] La loi du 26 janvier 2016 de modernisation du système de santé prévoit : « Par dérogation au premier alinéa, un décret fixe les conditions dans lesquelles un collaborateur médecin, médecin non spécialiste en médecine du travail et engagé dans une formation en vue de l’obtention de cette qualification auprès de l’ordre des médecins, exerce, sous l’autorité d’un médecin du travail d’un service de santé au travail et dans le cadre d’un protocole écrit et validé par ce dernier, les fonctions dévolues aux médecins du travail. » (article L. 4623-1 du code du Travail).

La visite d’information et de prévention a pour objet : 

  • d’interroger le salarié sur son état de santé ;
  • de l’informer sur les risques éventuels auxquels l’expose son poste de travail et sur les facteurs de santé au travail ;
  • de le sensibiliser sur les moyens de prévention à mettre en œuvre ;
  • d’identifier si son état de santé ou les risques auxquels il est exposé nécessitent une orientation vers le médecin du travail ;
  • de l’informer sur les modalités de suivi de son état de santé par le service et sur la possibilité dont il dispose, à tout moment, de bénéficier d’une visite à sa demande avec le médecin du travail.

3- LA PÉRIODICITÉ DU SUIVI DU SALARIÉ PAR UN PROFESSIONNEL DE SANTÉ N’EXCÉDERA PAS 5 ANS.

Les textes laissent une plus grande liberté de décision au médecin du travail pour fixer le rythme et le contenu des visites. Néanmoins, en fonction d’un certain nombre de situations individuelles ou de risques, des limites maximales de périodicité sont fixées. Il ne pourra pas s’écouler plus de 2 ans entre deux rendez-vous si des risques particuliers sont identifiés et plus de 5 ans dans les autres cas.

4- LES SITUATIONS SPÉCIFIQUES RECEVRONT DES RÉPONSES SPÉCIFIQUES.

  • La visite d’information et de prévention devra se dérouler préalablement à l’affectation sur le poste pour les travailleurs de nuit ou ceux âgés de moins de 18 ans, de même que pour les travailleurs exposés aux agents biologiques pathogènes catégorie 2 ou aux champs électromagnétiques.
  • La périodicité du suivi médical n’excédera pas trois ans notamment pour les travailleurs âgés de moins de 18 ans, ceux en situation de handicap ou ceux travaillant la nuit ; ceux titulaires d’une pension d’invalidité ; les travailleurs exposés à des champs électromagnétiques ou à des rayonnements optiques artificiels supérieurs à des seuils et présentant un problème de santé.
  • Par ailleurs, le suivi est individuel et renforcé pour tout travailleur exposé à des risques particuliers pour sa santé et sa sécurité, pour celle de ses collègues, ou pour des tiers dans son environnement immédiat de travail. Pour l’ensemble de ces travailleurs, un examen médical d’embauche est réalisé préalablement avant l’embauche par un médecin du travail qui se prononce sur l’aptitude médicale. La liste des postes à risques particuliers est définie réglementairement et peut être complétée par l’employeur, par un écrit motivé, et après avis du médecin du travail notamment.

Les postes à risques particuliers

On appelle postes à risques  particuliers ceux qui peuvent être potentiellement dangereux pour la santé ou la sécurité du salarié ou pour celles de ses collègues ou des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail : produits chimiques cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques, rayonnement ionisant, travail en milieu hyperbare, conduite d’engins élévateurs, agents biologiques pathogènes catégories 3 et 4, opérations de montage et de démontage d’échafaudages, etc.

 

5- LE SUIVI DE L’ÉTAT DE SANTÉ DES SALARIÉS SERA ÉQUIVALENT QUEL QUE SOIT SON CONTRAT DE TRAVAIL.

Compte tenu du nombre de contrats courts signés chaque année dans le régime général (15 millions) pour seulement 3 millions de salariés, les exigences de visites à l’embauche pourraient largement être réduites par les nouvelles dispositions. Elles imposaient jusque-là de déclencher une visite médicale à chaque nouveau contrat. L’objectif est de proposer progressivement aux titulaires de ces contrats un suivi équivalent à celui des salariés en CDI, c’est-à-dire lié à la personne et non pas au nombre de contrats signés.

Un travail important d’interopérabilité entre les systèmes d’information reste cependant à mener notamment avec les URSSAF afin de disposer des déclarations préalables à l’embauche et d’organiser au mieux le suivi de l’état de santé des salariés.

6- UNE PROCÉDURE DE DÉCLARATION D’INAPTITUDE ET DE RECLASSEMENT DES SALARIÉS MODIFIÉE.

Selon la décision du médecin du travail, l’avis d’inaptitude sera délivré après une ou deux visites médicales. Dans ce dernier cas, la seconde visite intervient dans un délai maximal de 15 jours après la première.

En pratique, pour déclarer un salarié inapte,  le médecin du travail doit notamment avoir échangé avec le salarié et l’employeur afin d’épuiser toutes les solutions de maintien au poste de travail. 

En matière de reclassement des salariés, la charge de la preuve à apporter par l’employeur est allégée si le médecin du travail indique dans son avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement.

7- UNE NOUVELLE PROCÉDURE DE CONTESTATION DEVANT LE CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

La procédure de contestation des avis des médecins du travail se déroulera dorénavant devant le Conseil des Prud’hommes en référé pour obtenir une expertise médicale si l’objet de la contestation est de nature médicale. Elle relevait précédemment de l’Inspection du travail. Lorsque la contestation ne porte pas sur des éléments de nature médicale, c’est toujours le conseil des prud’hommes qui est compétent. Seule la pratique permettra d’évaluer cette mesure, qui suscite quelques doutes quant à sa mise en œuvre.

Risques professionnels Type de suivi Références du Code du travail
Agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction Suivi individuel renforcé C. trav., art. R. 4624-23
Amiante Suivi individuel renforcé C. trav., art. R. 4624-23
Plomb Suivi individuel renforcé C. trav., art. R. 4624-23
Rayonnements ionisants

Catégorie A

Suivi individuel renforcé

examen médical par le médecin du travail une fois par an

Un travailleur ne peut être affecté à des travaux l’exposant à des rayonnements ionisants qu’après avoir fait l’objet d’un examen médical par le médecin du travail et sous réserve que l’avis d’aptitude établi par ce dernier atteste qu’il ne présente pas de contre-indication médicale à ces travaux.
Cet avis indique la date de l’étude du poste de travail et la date de la première mise à jour de la fiche d’entreprise. Les travailleurs classés en catégorie A bénéficient d’un suivi de leur état de santé par le médecin du travail au moins une fois par an (C.trav., art. R. 4451-84)
Rayonnements ionisants

Hors catégorie A

Suivi individuel renforcé C. trav., art. R. 4624-23
Hyperbare Suivi individuel renforcé C. trav., art. R. 4624-23
Chute de hauteur lors des opérations de montage et de démontage d’échafaudages Suivi individuel renforcé C. trav., art. R. 4624-23
Jeunes de 15 ans au moins et moins de 18 ans affectés aux travaux interdits susceptibles de dérogation Suivi individuel renforcé

Avis médical délivré tous les ans

C. trav., art. R. 4153-40
Travailleurs âgés de moins de 18 ans Suivi individuel non renforcé

Visite d’information et de prévention avant l’affectation sur le poste

C. trav., art. R. 4624-18
Travail de nuit Suivi individuel non renforcé

Visite d’information et de prévention avant l’affectation sur le poste

C. trav., art. R. 4624-18
Femme enceinte Suivi individuel non renforcé

Orientation vers le médecin du travail sans délai à l’issue de la visite d’information et de prévention ou à tout moment à sa demande

C. trav., art. R. 4624-19
Titulaires d’une pension d’invalidité Suivi individuel non renforcé

Suivi adapté selon une périodicité qui n’excède pas 3 ans

C. trav., art. R. 4624-17
Travailleurs handicapés Suivi individuel non renforcé

Suivi adapté selon une périodicité qui n’excède pas 3 ans

C. trav., art. R. 4624-17
Autorisation de conduite Suivi individuel renforcé C. trav., art. R. 4323-56
Agents chimique dangereux Suivi individuel non renforcé Le travailleur affecté à des travaux l’exposant à des agents chimiques dangereux pour la santé peut faire l’objet d’un examen médical complémentaire prescrit par le médecin du travail afin de vérifier qu’il ne présente pas de contre-indication médicale à ces travaux.

(C. trav., art. R. 4412-44)

Risque biologique (agents biologiques du groupe 1) Suivi individuel non renforcé C. trav., art. R. 4426-7
Risque biologique (agents biologiques du groupe 2) Suivi individuel non renforcé

Visite d’information et de prévention initiale est réalisée avant l’affectation au poste

C. trav., art. R. 4426-7
Risque biologique (agents biologiques des groupes 3 ou 4) Suivi individuel renforcé C. trav., art. R. 4426-7
Bruit Suivi individuel non renforcé

Examen audiométrique préventif à la demande du travailleur ou du médecin du travail

C. trav., art. R. 4435-2
Vibrations mécaniques Suivi individuel non renforcé C. trav., art. R. 4447-1
Rayonnements optiques artificiels Suivi individuel non renforcé C. trav., art. R.4452-19

 

Exposition au-delà des valeurs limites est détectée ou lorsque le suivi individuel fait apparaître qu’un travailleur est atteint d’une maladie ou d’une anomalie susceptible de résulter d’une exposition à des rayonnements optiques artificiels, les professionnels de santé mentionnés au premier alinéa de l’article L. 4624-1 informent sans délai le médecin du travail, qui informe le travailleur des résultats le concernant et lui indique les suites médicales nécessaires.

Champs électromagnétiques Suivi individuel non renforcé

visite d’information et de prévention réalisée avant l’affectation au poste

C. trav., art. R. 4453-8 et R. 4453-10

 

Le décret n° 2016-1074 du 3 août 2016 relatif à la protection des travailleurs contre les risques dus aux champs

électromagnétiques entre en vigueur le 1er  janvier 2017

 

Les travailleurs exposés à des champs électromagnétiques affectés à des postes pour lesquels les valeurs limites d’exposition sont dépassées bénéficient d’une visite d’information et de prévention réalisée avant l’affectation au poste afin notamment d’orienter sans délai les travailleurs mentionnés au 7° de l’article R. 4453-8 vers le médecin du travail.

Risque pyrotechnique Suivi individuel non renforcé C. trav., art. R. 4462-27
Habilitations électriques Suivi individuel renforcé C. trav., art. R. 4544-10

 

Tout travailleur habilité au titre du présent article bénéficie d’un suivi individuel renforcé prévu aux articles R. 4624-22 à R. 4624-28 en appli-cation du II de l’article R. 4624-23.

Ecrans de

visualisation

Suivi individuel non renforcé

Réalisation d’un examen approprié des yeux et de la vue

C. trav., art. R. 4542-17

 

Un travailleur ne peut être affecté à des travaux sur écran de visualisation que s’il a fait l’objet dans le cadre des visites d’information et de prévention d’un examen approprié des yeux et de la vue.

Si le résultat de cet examen le nécessite, ils bénéficient d’un examen ophtalmologique complémentaire prescrit par le médecin du travail dans les conditions prévues aux articles R 4624-35 à R. 4624-38.

Mannequins Suivi individuel non renforcé

Chaque mannequin bénéficie d’au moins une visite ou un examen, réalisés par un professionnel de santé du service de santé au travail par période de douze mois en vue de s’assurer, s’il relève du suivi individuel renforcé, du maintien de son aptitude à exercer l’emploi considéré.
La première visite ou le premier examen a lieu dans les douze mois qui suivent la première visite d’information et de prévention ou l’examen médical d’embauche

C. trav., art. R. 7123-7
Manutentions manuelles inévitables (dans certaines conditions) Suivi individuel renforcé

Lorsque le recours à la manutention manuelle est inévitable et que les aides mécaniques prévues au 2° de l’article R. 4541-5 ne peuvent pas être mises en œuvre, un travailleur ne peut être admis à porter d’une façon habituelle des charges supérieures à 55 kilogrammes qu’à condition d’y avoir été reconnu apte par le médecin du travail, sans que ces charges puissent être supérieures à 105 kilogrammes.
Toutefois, les femmes ne sont pas autorisées à porter des charges supérieures à 25 kilogrammes ou à transporter des charges à l’aide d’une brouette supérieures à 40 kilogrammes, brouette comprise.

C. trav., art. R. 4541-9

QUESTIONS FRÉQUENTES

 

Quel est l’objectif du décret relatif à la « modernisation de la médecine du travail » ?
Ce décret est l’aboutissement d’un long processus législatif et réglementaire initié dans les années 2000. Il s’agit d’actualiser le cadre juridique de l’activité des services de santé au travail en fonction des réalités de l’emploi d’aujourd’hui et aux enjeux sanitaires de notre pays. Les risques à prendre en compte évoluent, les réponses à y apporter également. Cette adaptation était nécessaire et de nombreux rapports l’ont confirmé. Dans les faits, cette adaptation est déjà largement engagée, parfois en marge des textes, par les professionnels sur le terrain confrontés à la vraie vie des entreprises.

Les évolutions apportées par ce décret apportent-elles une réponse à l’insuffisance des ressources médicales dans ce domaine ?
La diminution du nombre de médecins du travail est un élément indéniable dans l’évolution de l’activité des Services de Santé au Travail. Ceci dit, il s’agit surtout de repenser des règles définies pour l’essentiel au siècle dernier et de les adapter au monde du travail d’aujourd’hui. L’état sanitaire de la population en 1946, année de création de la médecine du travail, n’est pas celui de 2016. Le CDI à vie de 1946 a cédé la place à des parcours professionnels beaucoup plus morcelés. La nature et la fréquence des risques évoluent également. Il faut donc inventer des réponses nouvelles. C’est ce que permet l’article 102 de la loi Travail consacré à la santé au travail, et précisé par ce décret.

Quelle est la périodicité des visites dorénavant ? Il est indiqué que la visite est prévue tous les 5 ans au lieu de tous les 2 ans pour tout un chacun et tous les 4 ans pour les salariés affectés aux postes à risque ?
Tout d’abord, il est nécessaire de considérer ces chiffres comme ce qu’ils sont dans le texte, c’est-à-dire des plafonds. Ce ne sont pas des périodicités obligatoires. Selon les besoins, il s’agit de déterminer le meilleur suivi possible. Il importe de communiquer auprès des entreprises et de leurs salariés sur le fait qu’il n’y a plus de norme fixe. Le suivi et la périodicité s’adapteront à la situation de chacun. Cela permet d’être globalement plus efficaces.
Ce sont les médecins du travail qui détermineront le suivi adapté en respectant les plafonds prévus par le texte. Ils préconiseront des visites individuelles mais aussi des actions de prévention sur le milieu de travail, là où se traitent concrètement les expositions professionnelles.

Les salariés seront-ils moins protégés du fait de l’espacement des visites ?
On ne peut pas corréler l’efficacité de la prévention à la seule périodicité des  visites ! Ce qui protège les salariés, c’est la diminution des situations de travail les exposant à des risques professionnels et la prise en charge la plus rapide des personnes en difficulté. Le systématisme des visites non ciblées ne suffit pas à protéger les salariés.
Le texte fixe un temps maximal entre deux rencontres avec un professionnel de santé au travail. La périodicité n’est pas fixe, elle est plafonnée. En réalité, au sein de chaque Service, les professionnels vont se concerter pour définir les modalités les plus adaptées pour suivre l’état de santé des personnes qui leur sont adressées. Dans le respect des impératifs posés par le décret, les médecins du travail sont libres de programmer le rythme des visites en fonction des besoins réels des salariés. La réglementation précédente faisait peu de distinction entre les différentes situations. Le temps médical est précieux. Il doit être dédié à ceux qui en ont le plus besoin.
Et une visite médicale du salarié peut être demandée à tout moment par lui-même, son employeur ou le médecin du travail en cas de nécessité. En outre, les infirmiers du travail renforceront la prise en charge lors de la visite d’information et de prévention en absence de risques particuliers identifiés ou entre deux examens médicaux. Ils participeront également activement au développement de la culture de prévention dans l’entreprise et contribueront à la connaissance des expositions aux postes de travail.
Il est important d’avoir conscience que la protection des salariés au travail ne se résume pas à la visite médicale. Les Services de Santé au Travail Interentreprises ont d’autres missions légales : l’aide à l’évaluation  des risques, le conseil de mesures de prévention adaptées, le repérage et la traçabilité des expositions professionnelles et la veille sanitaire. Le tout est assuré par une équipe pluridisciplinaire composée de professionnels de santé mais aussi d’ergonomes, de toxicologues, de techniciens hygiène et sécurité, d’assistants de services sociaux, de psychologues du travail, d’assistants techniciens en santé au travail, etc., avec l’appui d’assistants médicaux.

Pourquoi avoir substitué la visite d’information et de prévention à la visite médicale d’embauche?
La visite médicale d’embauche ne disparait pas. Un premier rendez-vous aura lieu systématiquement. Il revêtira deux formes différentes selon que le salarié soit ou non exposé à des risques particuliers : une visite d’information et de prévention pour les salariés les moins exposés ou une visite médicale avec le médecin du travail pour les situations à risques particuliers. Avec 22 millions de déclarations uniques d’embauches par an, dont 15 millions de contrats de moins d’un mois, il était indispensable d’adapter  la prise en charge à l’embauche pour répondre aux besoins de tous. Le renfort des infirmiers est indispensable pour notamment délivrer des messages de prévention. L’infirmier travaille sous l’autorité médicale du médecin et en coopération avec lui. Son exercice, guidé en partie par des protocoles médicaux, lui impose de réorienter les personnes qui le nécessitent vers le médecin du travail.
La médecine du travail est avant tout une médecine préventive. Son action ne se résume pas aux visites médicales. L’aide à l’évaluation des risques, les conseils pour adapter les postes de travail, le développement d’une culture de prévention, etc. sont des leviers tout aussi importants pour préserver la santé des salariés.

Comment la surveillance de l’état de santé du salarié va-t-elle être assurée ?
Grâce à une prise en charge par un professionnel de santé dès l’embauche, puis par un suivi dans le temps en fonction des besoins par l’infirmier ou le médecin du travail. Les protocoles des médecins du travail s’adaptent à l’état de santé de chaque salarié, à son âge, à ses conditions de travail. Et il est normal que la périodicité diffère selon les cas.

Comment le suivi des salariés avec des contrats courts va-t-il s’effectuer ? L’accès aux fichiers de l’URSSAF va-t-il  être mis en place ?
Le texte de loi prévoit un suivi des salariés intérimaires ou en CDD équivalent à celui des CDI. C’est à dire qu’indépendamment du nombre de missions ou de contrats successifs, la personne doit bénéficier toutes les X années selon son cas, d’un entretien individuel avec un professionnel de santé au travail. Mais il est nécessaire de disposer d’un système d’information et d’un identifiant unique pour chaque salarié, afin de savoir que la personne doit être vue. Ce système d’information global n’existe pas à ce jour. L’application ne sera donc pas immédiate. On risque ainsi de voir à intervalle très rapproché des personnes qui ne le nécessitent pas forcément. Mais des projets sont en cours et progressivement cette mesure produira ses effets, et libérera du temps pour développer les actions de prévention directement dans l’entreprise, là où se construit une partie de la santé des salariés.
Pour les intérimaires, un certain nombre de bases partagées entre Services existent déjà et permettent en partie ce suivi.
D’autre part, un certain nombre de visites sont à réaliser avant l’embauche ou dans un délai qui ne peut excéder 3 mois après la prise de poste effective. Pour réussir à organiser ces visites dans les temps, une connexion avec le système d’information des URSSAF, qui enregistre les déclarations uniques d’embauche, serait effectivement opportune. Là encore le projet est à l’étude.

Comment la veille sanitaire est-elle assurée et comment se concrétise- t-elle ?
Les données recueillies sur les risques et les mesures de prévention sont consignées dans un dossier d’entreprise, celles sur l’état de santé dans un dossier médical santé travail. Ces informations sont toutes couvertes par le secret médical ou le secret professionnel. Rendues anonymes, elles peuvent être exploitées collectivement, pour développer la connaissance sur les facteurs d’atteinte à la santé, pour identifier des pathologies émergentes, pour alerter sur un produit ou un processus dangereux. Elles nourrissent plus globalement les diagnostics territoriaux sur lesquels se construisent les politiques publiques de santé au travail.

Quels sont les critères pour évaluer les risques et les identifier ?
La liste des risques particuliers sont le fruit d’une large concertation avec les professionnels de santé et les partenaires sociaux. Elle vise les situations qui a priori pourraient présenter un danger grave dès les premiers jours de travail si une incompatibilité du poste et de l’état de santé du salarié existait. Comme toutes ces situations ne peuvent être envisagées par un texte, l’employeur pourra en déclarer certaines qui ne sont pas prévues dans la réglementation après avoir pris l’avis du médecin du travail ; et la liste du Code du travail sera périodiquement révisée en fonction de l’évolution des connaissances.

Les prérogatives du médecin du travail vont-elles évoluer ? Quelles sont celles des infirmiers et des autres membres de l’équipe pluridisciplinaire?
Le médecin du travail est le conseiller des travailleurs, des représentants du personnel, et de l’employeur. Au besoin, lorsqu’il constate un risque d’atteinte à la santé, et que ses premières alertes sont restées sans effet, il est amené à adresser par écrit ses préconisations à l’employeur qui est tenu de répondre, sous peine d’engager sa responsabilité.
Dans la pratique, les membres de l’équipe pluridisciplinaire interviennent sous l’autorité du médecin du travail dont le devoir professionnel et l’éthique garantissent une action centrée sur les enjeux de santé. Une information claire sur l’objet de la visite, la pertinence de l’action des professionnels,  et le rappel que les éléments évoqués sont soumis au secret médical et professionnel demeurent indispensables.

Qu’en est-il de l’examen médical d’aptitude ? Désormais un seul examen médical suffira à constater l’inaptitude du salarié. Pensez-vous que cela soit suffisant ?
L’examen médical d’aptitude est maintenu pour les postes à risques particuliers et les visites organisées suite à un incident de santé.
Quant à l’avis d’inaptitude, selon la décision du médecin du travail, il sera délivré après une ou deux visites médicales. Dans ce dernier cas, la seconde visite intervient dans un délai maximal de 15 jours après la première.
En pratique, pour déclarer un salarié inapte,  le médecin du travail doit notamment avoir échangé avec le salarié et l’employeur afin d’épuiser toutes les solutions de maintien au poste de travail.
La délivrance d’un avis d’inaptitude est une décision de dernier recours pour le médecin du travail. Les textes en question renforcent l’obligation de concertation avec le salarié et l’employeur en amont d’une telle décision.
D’ailleurs, quand cette concertation a épuisé toute les solutions possibles, il est inutile de créer des situations d’attente pénibles pour le salarié, et d’imposer à l’entreprise la recherche de reclassement manifestement inenvisageable. Dans ce cas le médecin du travail mentionne dans son avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’entreprise. L’employeur est alors exempté d’une recherche de reclassement que tous savent vaine dans le contexte donné. En résumé, le texte modifie surtout le formalisme de la procédure.

Les visites médicales seront moins systématiques. Les cotisations des entreprises vont-elles baisser ?
La prise en compte de l’ensemble des missions dévolues à un SSTI par la loi est nécessaire pour considérer les moyens financiers à mobiliser pour leur réalisation. La surveillance de l’état de santé n’est qu’une des 4 missions des Services : l’action en entreprise, le conseil, et la traçabilité et la veille sanitaire requièrent également des infrastructures et des moyens humains importants. Les salaires constituent environ 80% du budget d’un SSTI. En outre, la visite médicale d’embauche ou celles réalisées périodiquement ne constituent qu’un des éléments du suivi individuel. Quant au volume des visites dites non périodiques, il ne cesse d’augmenter notamment celles réalisées lors de la reprise ou celles demandées par les salariés ou par les employeurs.
Par ailleurs, à titre d’exemples,  le vieillissement des actifs ou l’évolution des risques psychosociaux  mobilisent de manière croissante les médecins du travail pour lutter contre la désinsertion professionnelle des salariés.
L’intervention des infirmiers dans le suivi des salariés, la mise en œuvre complète des projets de Service, la réalisation d’une fiche d’entreprise pour l’aide à l’évaluation des risques dans tous les établissements, l’engagement dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens signés avec la Direccte et la Carsat impliquent des ressources suffisantes.
De plus, l’universalité du suivi de santé a été unanimement soutenu et maintenu ; elle se traduit entre autres dans la loi d’août 2016 par la création de la visite d’information et de prévention qui permettra une rencontre avec un professionnel de santé à l’embauche ou périodiquement plus régulière, tout en développant l’aide à l’évaluation des risques formalisée au niveau du SSTI par une fiche d’entreprise rédigée sous l’autorité d’un médecin du travail
In fine, ce sont les conseils d’administration paritaire puis les assemblées générales d’employeurs, adhérents et uniques financeurs, qui fixeront le niveau de cotisation adapté à leurs besoins. Ces associations de droit privé, régies par la loi de 1901, doivent équilibrer leurs comptes. Elles sont à but non lucratif.
Les changements induits par la nouvelle réglementation ont été anticipés par de nombreux SSTI confrontés aux enjeux de santé au travail et aux réalités du terrain. Or, l’on observe une évolution à coût globalement constant. Peu d’institutions en lien avec la santé ont réussi à absorber des missions toujours plus nombreuses, dans un environnement du travail toujours plus complexe, avec une population active vieillissante, sans dérapage des coûts. Les SSTI le font.

Mais concrètement, qu’est-ce qui va changer ?
Les salariés bénéficieront d’un suivi, non plus systématique, mais adapté à leur âge, à leur état de santé, à leurs conditions de travail et aux risques professionnels de leur poste. Des infirmiers en santé au travail interviendront de manière plus importante dans ce suivi, et prodigueront des conseils de prévention.
Les médecins du travail rencontreront les salariés qui en ont le plus besoin, avec la possibilité maintenue pour chacun d’entre eux de voir son médecin du travail, à sa demande ou à celle de l’employeur.
Les obligations de visites à l’embauche seront mieux respectées,  pour peu qu’elles soient demandées avec un délai suffisant  permettant de programmer le rendez-vous.
Pour les salariés qui enchaînent des contrats courts, chaque nouveau contrat de travail n’imposera pas une visite médicale. La fréquence des visites sera comparable à celle des salariés en CDI.
D’une manière générale, les employeurs devraient retrouver une sécurité juridique eu égard à leurs obligations relatives au suivi individuel de l’état de santé de leurs salariés.

D’avantage de temps sera disponible pour aider l’entreprise à l’évaluation des risques et pour la conseiller dans la mise en place de mesures de prévention. La présence des professionnels de santé au travail dans l’entreprise sera accrue.

LES SAISONNIERS

Nouvel article D.4625-22 du Code du travail :
Un examen médical d’embauche est obligatoire pour les salariés saisonniers recrutés pour une durée d’au moins égale à 45 jours de travail effectif affectés à des emplois présentant des risques particuliers mentionnés à l’article R.4624-23, sauf en ce qui concerne les salariés recrutés pour un emploi équivalent à ceux précédemment occupés si aucune inaptitude n’a été reconnue lors du dernier examen médical intervenu au cours des 24 mois précédents.
Pour les salariés recrutés pour une durée inférieure à 45 jours et ceux affectés à des emplois autres que ceux présentant des risques particuliers mentionnés à l’article R.4624-23, le service de santé au travail organise des actions de formation et de prévention. Ces actions peuvent être communes à plusieurs entreprises.
Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté sur ces actions.

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